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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La capitalisation d’expériences

Deux documents pour comprendre les enjeux et découvrir la (ou les) méthodologie(s) de la capitalisation d’expériences :

 Le capital mémoire : identifier, analyser, valoriser l’expérience dans les institutions (Sylvie Robert, en collaboration avec Annik Ollitrault-Bernard (FPH), ECLM, 2005)
 Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience (Pierre de Zutter, dossier dph, 80 fiches, 1994)

Le capital mémoire : identifier, analyser, valoriser l’expérience dans les institutions

de Sylvie Robert, consultante indépendante, en collaboration avec
Annik Ollitrault-Bernard (FPH)

2005, 216p., ISBN : 2-84377-108-0

Depuis plusieurs années, l’expression « capitalisation d’expériences » a été popularisée au point d’apparaître comme une exigence incontournable de toute structure soucieuse de valoriser son « capital mémoire ». Sur cet enjeu, les publications ne manquent pas, mais rares sont celles qui fournissent des repères méthodologiques précis. Sylvie Robert, consultante indépendante, propose ici de passer du pourquoi au comment capitaliser. En faisant le choix d’un dossier d’appui méthodologique, elle évite le piège du « guide-recettes » et propose des outils permettant une mise en pratique de la capitalisation d’expériences, outils que chacun sélectionnera et adaptera en fonction de ses attentes et du contexte. Ce livre, construit avec la participation de nombreuses institutions, s’appuie sur l’expérience de l’auteur dans le milieu de la solidarité internationale, sans négliger pour autant le monde de l’entreprise. Sylvie Robert développe le processus de capitalisation dans ses phases essentielles - l’identification, l’analyse et la valorisation –, l’applique à différents champs et la nourrit de contributions d’organismes investis de différentes manières dans cette démarche. Les différentes ressources mises à la disposition du lecteur font de cet ouvrage un utile vade-mecum de la capitalisation d’expériences : pour passer du vœu pieux à la mise en œuvre concrète.

Livre téléchargeable en ligne sur le site des ECLM (Editions Charles Léopold Mayer) : http://www.eclm.fr/source/pdf/originaux/307.pdf (pdf, 216 p.)

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

de Pierre de Zutter

juillet 1994, 80 fiches

« Non, petit, n’insiste pas maintenant. Sinon ils te diront oui pour que tu les laisses tranquilles mais tu n’auras aucune garantie. On va leur annoncer qu’on repassera la semaine prochaine. Ils auront le temps de consulter leurs femmes et si elles sont d’accord ça marchera. »

C’était à mes débuts dans les Andes, il y a plus de 20 ans. Le collègue qui m’accompagnait était un vieux routier qui avait déjà travaillé comme vulgarisateur agricole dans des centaines de villages, de communautés indiennes-paysannes.

« Pourquoi ? »

« C’est comme ça ! Si les femmes ne sont pas d’accord, rien ne passera. »

Pepe avait l’expérience. Il pouvait rester des heures, autour d’une bière, à raconter mille et un détails, à offrir mille et un conseils. Mais l’explication était toujours insuffisante. Ses conseils devenaient des « trucs » de métier, très utiles dans la pratique, mais il était difficile de dépasser ce stade.

Avant déjà, mais surtout depuis lors, j’ai connu bien des Pepe et, lorsque des circonstances exceptionnelles s’y prêtaient, j’ai découvert que beaucoup d’entre eux savaient expliquer plus qu’ils ne laissaient croire. Mais il y avait un blocage. Ils n’osaient exprimer ce qu’ils pensaient vraiment de peur d’être jugés, ridiculisés, parce que leurs mots et leurs concepts n’entraient pas dans la norme. D’autres, par lassitude, avaient cessé de réfléchir et se limitaient à agir, avec leurs « trucs » qui contredisaient les préceptes appris et les méthodes proposées, tout en répétant devant leurs supérieurs le discours officiel.

Nous avons tous vécu ou constaté à un moment ou un autre ce genre de divorce. Il est révoltant parce que trop injuste. Mais il est également un des principaux freins à l’amélioration du savoir et du savoir-faire.

Comment aider à ce que l’expérience débouche en connaissance, comment l’élaborer et la formuler pour qu’elle devienne un capital au service de tous, pour qu’elle puisse être partagée et enrichir théorie et pratique ?

Il y a des questions de méthode bien sûr. Comme d’autres j’en ai essayé des dizaines au cours de ces années et toutes m’ont apporté quelque chose. Mais nulle ne vient offrir « la » solution. Il y a même danger à vouloir adopter « une » méthode pour capitaliser toutes sortes d’expériences.

Une bonne définition pourrait également aider. Mais on risque de s’y perdre comme dans bien des définitions. Qu’est-ce que la capitalisation de l’expérience, alors ? Il peut suffire de dire que :

C’est le passage de l’expérience à la connaissance partageable.

***

Avant de lire ce dossier ou d’aller piocher dans ses fiches, quelques informations peuvent être utiles.

Le sujet qui est traité ici, c’est la capitalisation de l’expérience, c’est-à-dire le défi présenté par des gens comme Pepe et d’autres qui sont riches en vécus de toutes sortes, qui ont tant à offrir sur les apprentissages de leur pratique, mais qui ne trouvent jamais ni l’occasion ni la manière d’entrer au partage.

J’essaie de présenter ici un bilan sur la question. Mais attention, c’est mon propre bilan, il est partiel, il est orienté.

En fait, j’ai surtout cherché à capitaliser ma propre expérience… en matière de capitalisation d’expériences. C’est-à-dire que je m’appuie exclusivement sur des pratiques auxquelles j’ai participé, directement dans la plupart des cas, de près dans les autres. Je ne parle donc que de ce sur quoi j’ai un vécu personnel. Bien d’autres choses seraient à dire mais j’ai systématiquement refusé d’aborder des points sur lesquels je n’avais pas moi-même de terrain.

Pour comprendre ces textes, il convient donc de connaître quelques tenants et aboutissants des pratiques qui les inspirent.

Tout d’abord mon expérience est essentiellement latino-américaine. Plus précisément d’Amérique du Sud. Plus concrètement encore, de la région andine où j’ai travaillé vingt-cinq ans : le Pérou, la Bolivie, l’Equateur, la Colombie. S’y est ajouté au cours des quatre dernières années le Paraguay, si différent et si proche. Quelques références au Honduras, en Amérique centrale, et puis à ma zone natale, la Champagne pouilleuse, en France, complètent l’ensemble.

Cet enracinement en Amérique latine conditionne bien sûr mes réflexions. C’est aux pratiques, aux débats et aux apports de celle-ci que je me réfère surtout. Parfois je précise un peu, comme lorsque je parle de la « systématisation ». En général je le laisse sous-entendre.

Et c’est ce qu’il est bon que le lecteur comprenne, car lorsque j’emploie le « nous », lorsque je parle de « nos » pays, de « nos » habitudes, c’est à l’Amérique latine et aux Andes que je pense. C’est en dialogue intime avec mes collègues et amis latino-américains que j’ai souvent rédigé.

Ensuite, mes pratiques de capitalisation d’expérience sont toutes passées par l’écrit et par l’imprimé. Cela influence beaucoup la réflexion car les démarches et les techniques ne sont pas toujours les mêmes lorsque l’on travaille avec la vidéo, avec le théâtre, avec la radio, avec le dessin, etc.

Il s’agit d’une limitation bien sûr mais j’ai préféré approfondir dans l’écrit en espérant que le témoignage de celui-ci soit utile aux autres formes d’expression et de communication plutôt que de procéder à des amalgames rapides ou de réaliser des compléments moins « vécus ».

Et puis, ces textes ont été écrits en français ce qui était loin d’être évident. D’abord parce que c’est la première fois depuis près de vingt ans que je me lance à rédiger et publier dans ma langue maternelle, alors que j’en ai fait mon métier… en espagnol. Egalement parce qu’il n’est pas facile du tout de témoigner dans une autre langue que celle où l’expérience fut élaborée et partagée.

C’était là un défi. Personnel d’un côté, en tant que réapprentissage utile puisque, depuis 1989, j’ai de nouveau ma base en France. Mais stratégique aussi parce que je crois que l’expérience latino-américaine peut être utile en Europe et donc qu’elle peut devenir stimulante d’échanges entre continents qui soient vraiment réciproques. C’est donc aussi en dialogue intime avec un public européen que j’ai essayé d’écrire.

[…]

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